samedi 26 mars 2011

M51, le tourbillon cosmique

La galaxie du tourbillon a été découverte en 1773 par Charles Messier qui lui a donné le numéro 51 dans son célèbre catalogue. En 1781, l'astronome Pierre Méchain découvre que M51 est en réalité composée de 2 objets distincts référencés plus tard NGC 5194 et NGC 5195 selon la nomenclature du "New General Catalog".

Pour l'astronome amateur la galaxie du tourbillon est une cible de choix car elle est facilement observable, bien lumineuse, très grande et surtout d'une beauté à couper le souffle. Le printemps est la meilleure saison pour l'observer lorsque la constellation des Chiens de Chasse qui l'héberge est située bien haut dans le ciel.

Quand on a bien réglé la monture et le télescope et que l'on pointe cette galaxie, on a beau en avoir déjà vue des dizaines d'images, l'émotion est grande de voir apparaître ceci sur l'écran de l'ordinateur :








Ce qu'on a sous les yeux n'est ni plus ni moins que l'interaction gravitationnelle de deux galaxies situées à 31 millions d'années-lumière. On voit parfaitement le pont de matière avec sa bande de poussières entre les deux galaxies et les déformations des bras spiraux. La plus petite NGC 5195 semble plongée dans une sorte de brume qui n'est autre que la lumière diffuse de milliards d'étoiles éparpillées par la force de gravitation.

L'interaction de deux galaxies provoque la compression et l'échauffement de grandes masses de gaz interstellaire qui vont engendrer la formation de nouvelles étoiles. Mais contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, les étoiles déjà présentes ainsi probablement que les systèmes planétaires qui leur sont associés ne sont pas perturbés outre mesure par la rencontre entre les deux titans. Notre propre galaxie croisera un jour le chemin de notre voisine Andromède ; les habitants de la Terre, s'il ne sont pas atomisés d'ici là, n'en subiront aucune conséquence fâcheuse.

M51 a également été étudiée par Halton Arp que j'ai déjà présenté ici. Il l'a cataloguée sous le numéro 85 avec d'autres couples de galaxies en interaction.

Sur l'image ci-dessus on trouve également IC 4263, une galaxie située à 120 millions d'années-lumière dont on distingue pourtant quelques maigres détails et IC 4277, très faible spirale vue par la tranche, dont je n'ai pas pu trouver d'estimation de la distance.

dimanche 20 mars 2011

Biogée

Le philosophe Michel Serres a inventé le terme de Biogée pour désigner la Vie et la Terre comme un tout indissociable. Aux temps où l'Homme luttait pour survivre à la surface de la Terre, celui-ci devait impérativement prendre en compte les contraintes naturelles s'il voulait rester en vie et perpétuer l'espèce. Peu à peu, l'emprise de l'Homme s'est étendue ; la technologie aidant, il a finalement cru pouvoir façonner la Terre et la nature comme bon lui semblait afin d'accroitre son confort et trouver les ressources nécessaires à son développement.  Nous sommes maintenant rendu à un point où l'Homme a un impact majeur sur son environnement et est capable de modifier celui-ci dans des proportions telles qu'il peut mettre sa propre espèce en danger.  Conscient de cet état de fait, Michel Serres propose un changement radical dans la façon dont est géré le monde en donnant un statut particulier à la Biogée qui devrait être systématiquement partie prenante dans toutes les discussions et négociations conduisant à des décisions ayant des répercussions à l'échelle de la planète.

Plus l'Homme s'est développé, plus il a été convaincu qu'il pouvait faire plier son environnement : débauche d'énergie pour vivre à température constante quelque soit le lieu ou la saison - rejet massif de gaz à effet de serre dans l'atmosphère - arasement de montagnes - détournement de fleuve - lutte contre la gravité afin de conquérir l'espace - les exemples sont innombrables. Et pourtant... plus l'Homme a cru maitriser son environnement  et plus il s'est affaibli. Pour s'en convaincre, il suffit de se remémorer quelques évènements récents :

L'éruption de l'Eyjafjallajökull en Islande n'était pas un cataclysme majeur, et pourtant le trafic aérien d'une bonne partie de l'Europe a été interrompu, des milliers de personnes sont restées coincées à l'étranger dans l'impossibilité de rentrer chez eux et de reprendre leur travail.

Cet hiver, la vague de froid sur l'Europe a également bloqué le trafic aérien pendant des jours entiers. Les représentants du gouvernement français ont dû prendre la parole dans les médias pour expliquer la paralysie des transports. Le bon peuple s'est indigné de l'imprévoyance des aéroports qui n'avaient soit disant plus de produit dégivrant.

Et dans environ 2 ans, le Soleil attendra le maximum de son cycle d'activité de 11 ans ; nous savons parfaitement qu'une éruption solaire un tant soit peu importante a la capacité de mettre à terre le réseau de distribution électrique et les systèmes de communication d'une bonne partie du monde. On imagine aisément l'impact sur l'économie mondiale. Qui s'en préoccupe ?

Beaucoup plus dramatique, le tremblement de terre suivi du tsunami au Japon, après avoir rayé de la carte des villes entières et fait des dizaines de milliers de morts, est en passe de faire vaciller la troisième économie mondiale. Qui aurait pu croire que le Japon dont les buildings ont bien résisté à un tremblement de terre monstrueux serait terrassé par un tsunami dont la puissance dépasse l'entendement ?  Plus d'électricité, des bâtiments ébranlés et au-delà du drame humain, ce sont les entreprises de plus hautes technologies qui sont arrêtées et ne peuvent plus produire les composants que le monde moderne a rendu indispensables (pensez donc : la production de l'Ipad 2 en est affectée !). Les bourses plongent, l'économie mondiale est perturbée et à ce jour on ne sait pas jusqu'où cela ira.

Probablement encore plus important que l'impact économique, le monde moderne vient soudain de réaliser que l'énergie nucléaire, conquête de l'esprit humain sur la matière, produit du génie des plus grands cerveaux du XXe siècle, peut conduire à une catastrophe qu'aucun être humain ne peut arrêter. Car  n'en doutons pas, même si la catastrophe est évitée de justesse, la preuve flagrante sera faite qu'une centrale peut potentiellement diverger et conduire à un accident nucléaire majeur même dans un pays à la pointe de la technologie. Les images de ces hélicoptères, moustiques tournoyant au dessus des réacteurs et larguant quelques "seaux d'eau"  pour tenter de refroidir les éléments de combustible nucléaire avaient quelque chose de dérisoire et de poignant à la fois. Le tsunami au Japon marque un tournant, une rupture dans le processus d'Humanité. On ne reviendra pas en arrière, le monde ne sera plus comme avant.

Après cela, qui peut prétendre qu'il est à l'abri ? Quel pays industrialisé peut oser affirmer maintenant que ses installations sont sures ? Séisme et probablement raz de marée attendus en Californie, désastre climatique, réveil du volcan géant de Yellowstone, impact d'une météorite un tant soit peu massive ...   Et pourtant, ce ne sont que quelques soubresauts. Le Japon s'est déplacé de 2,40 m parait-il, la belle affaire ! L'axe de rotation de la Terre aurait bougé, et alors ? La Terre s'en moque, elle n'en gardera qu'une infime cicatrice au fond de la mer. Et nous, Humains ? Qu'avons-nous appris ? Biogée a parlé, ce n'était qu'un grognement, un vague murmure, une infime protestation… L'avons-nous entendue ?

Nous n'avons plus le choix, il faudra bien accepter le fait  qu'on ne peut pas mettre les Hommes d'un côté et la Nature de l'autre ; nous faisons partie d'un tout et notre développement ne peut s'envisager qu'en harmonie avec notre environnement. Comme le dit Michel Serres, il est temps d'instaurer un dialogue à trois en donnant la parole à la Biogée. Il faut changer radicalement les modes de décisions,  rejeter les approches politiques au sens électoraliste et étriqué du terme et passer à une vision réellement mondiale, et surtout axée sur le long terme.

Le désastre japonais pose clairement le problème de l'énergie issue de la fission nucléaire, par extension cela pose également le problème des énergies non renouvelables et par extension encore celui des énergies fossiles et du réchauffement climatique. Le problème est bien entendu global, malheureusement la réponse des pays industrialisés a jusqu'à présent été locale et à courte vue. La situation a même empiré puisque l'énergie qui a été pendant longtemps une problématique gérée au niveau des états est en train de basculer vers le monde privé avec une logique économique.

Il faut maintenant penser le problème différemment, mettre en place une vraie politique d'énergie durable basée sur un plan à très long terme. Il est absurde de décréter vouloir "sortir du nucléaire" sans proposer d'alternative crédible et sans prendre en compte le développement technologique sur au moins 50 ans (un millénaire ?). La production et la gestion de l'énergie devrait être mondiale et surtout ne pas être dictée par une logique de profits financiers. La complémentarité entre les pays disposant de ressources hydroélectriques, solaires, éoliennes... est certainement une piste à explorer, mais il faudrait pour cela accepter d'abattre quelques frontières pour qu'un petit pays comme le Japon puisse en disposer sans craindre de se mettre à la merci d'intérêts financiers. La recherche de nouvelles sources d'énergie doit aussi être la priorité ; après tout, l'énergie est partout, le problème n'est "que" de trouver comment la transformer, l'exploiter et l'intégrer harmonieusement à la Biogée.

samedi 5 mars 2011

Évolution

Bien que nous soyons loin d'en comprendre tous les mécanismes, nous savons maintenant que la vie a progressé par évolutions successives. De nouvelles fonctions sont apparues au cours du temps sous l'effet du hasard ; la plupart inutiles ou non viables ont disparu, d'autres au contraire, se révélant efficaces pour assurer la survie des espèces ont été gardées par Dame Nature pour conduire à l'ensemble de la biodiversité que nous connaissons aujourd'hui.  Ce mécanisme d'essais successifs et de sélection naturelle heurte parfois le sens commun, car il nous est très difficile, à nous autres êtres humains dotés d'une espérance de vie d'un peu moins de 100 ans, d'appréhender les échelles de temps de centaines de millions, voire de milliards d'années qui sont mises en jeu dans les processus d'évolution.

Et justement... je me demande quelle pourrait bien être l'étape qui suivra Homo sapiens ? En effet, sapiens est le dernier et seul survivant de la lignée des Homo, toutes les autres espèces s'étant éteintes. Il n'y a aucune raison particulière de supposer que l'homme moderne est un achèvement et que rien de mieux ou de plus adapté ne pourra exister. Ceci peut heurter notre morale judéo-chrétienne qui nous enseigne que Dieu nous a créés à son image et que par conséquent, nous sommes ce qui se fait de mieux dans le genre humain, juste en dessous de la catégorie divine, qui est par définition inaccessible. Quelle prétention !
Évolution de la population mondiale au cours du temps
Source Wikipedia
Force est de constater qu'avec sapiens, les processus naturels ont pris un sacré coup d'accélérateur. Jusqu'à présent, Dame Nature avait l'habitude de prendre son temps, les espèces apparaissaient de temps en temps, finalement sans grand impact sur le restant de la planète, d'autres moins adaptées ou victimes de cataclysmes naturels disparaissaient sans que cela ne porte vraiment à conséquence.  Pour la première fois dans l'histoire de la Terre, une espèce a conquis le monde, a commencé à exploiter la planète au point d'entamer de manière notable les ressources qu'elle recèle.  Pour la première fois, une espèce vivante est capable de modifier profondément son environnement au point de se mettre elle-même en danger. La courbe ci-dessus montre l'évolution de la population humaine au cours du temps. Il est évident que l'explosion de la croissance de la population au cours des 100 dernières années a un impact majeur sur la planète.

Quel avenir donc ? Soit sapiens continue dans cette voie, rompt les équilibres fragiles de la planète et finalement disparaît. Sapiens n'aura alors été qu'un infime détail dans l'histoire de la Terre et un non évènement dans l'histoire de l'Univers. La planète, elle, s'en remettra ; la grande machine géologique à recycler broiera les traces de notre passage, et peut-être que dans 10 ou 100 millions d'années une autre sorte d'être pensant arrivera, plus économe, plus consciente de sa propre fragilité et donc plus durable. Même si sapiens dure un peu plus longtemps et que dans sa fuite en avant pour tenter de survivre, il finit par détruire l'essentiel de la biodiversité avant de disparaitre, nul doute que la vie perdurera et qu'une nouvelle diversité surgira et s'adaptera à ce que sera devenue la Terre.

J'entrevois une autre possibilité ;  à partir d'un certain degré de conscience il est possible qu'une autre forme d'évolution apparaisse, sélectionnant les formes d'intelligence les plus susceptibles de garantir la survie de l'espèce. Ce processus d'adaptation serait alors beaucoup plus rapide que les mécanismes de sélection biologique et permettrait de compenser la tendance humaine à l'autodestruction. Cette idée est finalement très proche du concept "d'hominescence", élégant néologisme inventé par le philosophe Michel Serres qui fait référence à l'émergence d'une nouvelle conscience humaine forgée par nos nouveaux rapports au monde qui nous entoure ainsi que par les avancées technologiques et scientifiques. Le fait de disposer de technologies permettant de balayer toute forme de vie de la surface de la Terre doit d'une certaine manière contribuer à nous rendre plus intelligents et plus tolérants... sous peine de mort !

À la limite, la maitrise de la génétique peut conduire l'humanité à bloquer le processus d'évolution naturelle, puisque toute déviance par rapport à une norme établie pourra être corrigée par une manipulation ou une thérapie génique. Si tel est le cas, cela veut dire que contrairement à ce que je disais plus haut,  sapiens est bien le niveau ultime de l'évolution biologique et que toute avancée future de l'espèce humaine ne pourra reposer que sur des mutations intellectuelles ou à la rigueur des mutations biologiques mais qui seront le fruit d'une planification consciente et non pas le résultat du hasard... Il y aura alors quelques problèmes éthiques à régler !