jeudi 26 août 2010

Vers une science citoyenne

La science moderne est réputée être l'apanage des chercheurs professionnels, c'est-à-dire de personne ayant suivi de longues études concrétisées par un doctorat et ayant obtenus au moins un début de confiance de leurs pairs afin d'exercer une activité scientifique reconnue. En France, pour avoir le label de "scientifique" il faut appartenir à de grands organismes tels que le CNRS, l'Université, le CEA, l'INSERM, etc. Bien que le terme soit tombé en désuétude, on est bien encore dans un modèle ou le "Savant" détient la connaissance scientifique qu'il distille vers le public lorsqu'il le veut bien ou lorsqu'il ne peut pas faire autrement. Toutefois, ce modèle possède quelques exceptions et semble évoluer :

L'astronomie, par exemple est un domaine dans lequel les amateurs ont toujours apporté une contribution importante et reconnue. Par exemple, très récemment des impacts météoritiques ou cométaires sur la planète Jupiter, ont été observés par des astronomes amateurs  alors que ces phénomènes très fugitifs n'ont pas été vus par les professionnels. Les impacts étaient jusqu'alors supposés être très rares, il se pourrait qu'il soit beaucoup plus fréquents que ce que l'on imaginait (voir par exemple: http://www.planetary.org/blog/article/00002631/ ). Les astronomes amateurs ont l'avantage d'être nombreux et d'être répartis sur une grande portion de la planète. En permanence, le ciel est scruté par des personnes parfois très adroites et surtout très motivées. Malgré les programmes professionnels d'observation automatique du ciel et les prédictions régulières comme quoi, plus un seul corps céleste ne va bientôt plus échapper aux réseaux d'observations, le nombre d'astéroïdes ou de comètes découverts par les amateurs reste important.

En juillet 2008, trois amateurs ont découvert quasi-simultanément une nouvelle nébuleuse planétaire http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=6857 c'est-à-dire les restes ténus de l'explosion d'une étoile. Celle-ci était complètement passée inaperçue par les professionnels alors qu'elle se trouve dans une région du ciel particulièrement riche. Cette découverte a été rendue possible par la mise à disposition des amateurs, de matériels d'excellente qualité, jusque là réservés aux professionnels (caméra, filtres à bande passante étroite, optique, monture, etc.) pour un prix abordable.
L'image ci dessous montre cette splendide nébuleuse, dite de la "bulle de savon" (crédit:  T. A. Rector/University of Alaska Anchorage, H. Schweiker/WIYN and NOAO/AURA/NSF) 

Paradoxalement la course aux télescopes géants ou spatiaux semble laisser tout un champ de recherche pour les amateurs qui exercent leur passion sans pression, sans contrainte et sans obligation de résultat. Parfois cela paye !

Dans un autre domaine, le projet SETI@home a été lancé en 1999 et fonctionne toujours. Il s'agit d'utiliser la puissance informatique disponible chez les particuliers pour analyser des signaux enregistrés par le radiotélescope géant d'Arecibo dans le but d'essayer de mettre en évidence un signal intelligent provenant d'un autre système solaire.  Par la suite, le projet BOINC a généralisé la méthode afin de permettre l'utilisation de PC individuels pour tout un ensemble d'applications allant des calculs de faisceaux pour le LHC au "docking" moléculaire afin de tenter de mettre au point de nouveaux médicaments, en passant par la modélisation climatique. Très récemment un pulsar radio a été découvert par trois "scientifiques citoyens" comme les nomme le responsable du projet EINSTEIN@home et fait l'objet d'une publication dans Science. Certes les "scientifiques citoyens" n'ont pas élaboré la méthode d'analyse, mais ils ont malgré tout contribué avec enthousiasme à cette découverte et ils vont certainement susciter un engouement pour que de nouvelles personnes mettent à disposition leurs ordinateurs personnels.

Le troisième exemple est lié à la mission spatiale Stardust dont j'ai déjà parlé dans ce blog. Stardust est cette sonde qui a collecté des poussières spatiales grâce à un astucieux système utilisant des blocs d'aérogel de silice et qui a pu les expédier sur Terre.  Le repérage et l'analyse des milliers d'impacts de poussière cométaires a pu se faire en laboratoire par les équipes scientifiques, alors que la deuxième partie du projet consistant à retrouver quelques dizaines de poussières provenant du milieu interstellaire a posé un problème majeur en raison du tout petit nombre d'impacts et du fait qu'il était très difficile d'automatiser la recherche. L'idée a été de faire appel au public, de mettre à sa disposition un logiciel lui permettant d'observer les images microscopiques et surtout de lui apprendre à reconnaitre les impacts. Des milliers de personnes se sont portées volontaires, certaine ont joué le jeu avec frénésie, inspectant visuellement des centaines de milliers d'images.  A ce jour 2  ou 3 impacts semblent être identifiés comme étant bien des poussières provenant du milieu interstellaire et les scientifiques professionnels réfléchissent au meilleur moyen de procéder à des analyses plus poussées sans risquer de les détruire. Si vous voulez contribuer à observer les images microscopiques de Stardust, vous pouvez le faire facilement en allant sur le site:
http://stardustathome.ssl.berkeley.edu/index.php - On se prend très vite au jeu…

Ces exemples montrent qu'il est possible d'associer les non-professionnels à la recherche scientifique, ce sont là d'excellentes initiatives qui ne peuvent que renforcer l'intérêt du public pour la science et que l'on pourrait sans doute étendre à d'autres domaines. Les américains l'ont compris, il reste un peu de chemin à faire en Europe pour faire sauter quelques verrous psychologiques.

3 commentaires:

  1. Il est dommage que l'on ne puisse pas faire des experiences de biologie chez soi. Les domaines ou les amateurs ont la main a la pate sont tellement rares: Je peux citer l'astronimie, l'electronique mais ce sont les deux seuls mots qui me viennent a l'esprit :-(.

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  2. @Sylvain: C'est sûr que l'on ne va pas faire du séquençage dans son garage, mais je suis certain qu'en étant un peu imaginatif, on peut trouver des moyens d'associer le grand public à la recherche en biologie. L'utilisation des ordinateurs personnels dans les projets Decrypthon ou Rosetta est un exemple mais il y a certainement d'autres possibilités.

    En Astrophysique, le projet Galaxyzoo http://www.galaxyzoo.org/ propose à des amateurs de classer selon leur forme les millions de galaxies photographiées lors des relevés les plus récents. Ce projet a conduit à la découverte d'un objet complètement nouveau et baptisé le "Voorwerp". Ne pourrait-on pas imaginer faire de même avec des représentations tridimensionnelle de protéines ou des cultures cellulaires ?

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  3. Si, bien sur, la puissance de calcul des ordinateurs de particuliers peut etre utilisee mais la biologie n'est pas que du calcul, la resolution de structures 3D et le docking ne sont qu'une partie infime des travaux menes en biologie. L'essentiel des decouvertes se font a la paillasse mais pas derriere un ecran.

    En ce qui concerne les cultures cellulaires, les approches a haut debit ne necessitent pas le public (presence d'un gene rapporteur).

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