samedi 22 mai 2010

Éducation Nouvelle ?

Paul Langevin (1872-1946) est un physicien de renom dont la vie est associée à celle des Curie, Einstein, Poincaré, Perrin, etc.  Il est célèbre pour la formulation, dans le contexte de la Relativité Restreinte, du paradoxe des jumeaux dont l'un reste sur Terre et l'autre voyage dans l'espace à une vitesse proche de celle de la lumière. Lors de leurs retrouvailles, celui resté sur Terre est bien plus vieux que son astronaute de frère. Langevin est également connu pour ses travaux en physique statistique ainsi que sur le mouvement brownien.

J'ai découvert récemment que Paul Langevin avait œuvré pour tenter d'améliorer le système éducatif. Fortement marqué par les horreurs de la  première guerre mondiale, il est convaincu qu'il est nécessaire d'élever les enfants selon des principes de paix, de tolérance et de respect de la personne humaine. Il n'est d'ailleurs pas le seul a œuvrer dans ce sens, on peut citer Célestin Freinet (père des écoles du même nom), Gustave Monod, et bien d'autres.

Il est Président de la ligue des Droits de l'Homme de 1944 à 1946 et Président du Groupe Français d'éducation nouvelle de 1936 à 1946. Ce groupe est  la branche française de la Ligue Internationale pour l'éducation nouvelle qui fut parait-il, très marquée par la personnalité de Maria Montessori  (mère des écoles du même nom). En 1946, accompagné d'Henri Wallon, il se voit confier la mission de proposer une réforme ambitieuse de l'enseignement. Au moment de la remise du projet de réforme en 1947 (après la mort  de Langevin), le gouvernement a changé de bord, les idées des militants communistes ne sont pas bien vues et la réforme est enterrée. Toutefois il semble que celle-ci a profondément marquée les esprits et que bon nombre d'idées ont été reprises et mises en œuvre dans les réformes successives de l'enseignement.

Les diverses expériences pédagogiques menées  après la première guerre mondiales n'ont pas toujours été de grands succès et étaient peut-être trop utopistes (voir l'école de Summerhill  en Grande Bretagne par exemple) , mais elles ont eu le mérite d'exister, d'innover et d'être pour la plupart basées sur des idées nobles où le jeune se trouvait au cœur du dispositif éducatif et était considéré comme une personne responsable. La volonté était également de rendre l'enseignement réellement accessible à tous et d'inculquer des valeurs de paix et de tolérance.

Quand je regarde le système éducatif actuel, j'ai l'impression que nous sommes bien loin de ces valeurs. Si les dangers d'une guerre sont bien sûr beaucoup moins présents maintenant qu'en 1920, il n'en reste pas moins que l'intolérance est de plus en plus présente et que malheureusement les valeurs éducatives ne tendent pas à inverser la tendance. Je suis toujours atterré quand mes enfants me rapportent les propos racistes qui s'échangent apparemment de plus en plus souvent entre les élèves sans que cela ne soulève la moindre indignation.

Le système actuel est hypocrite, l'école s'affiche comme donnant les mêmes chances à tous, alors que les différences entres les élèves favorisés et les autres n'ont jamais été aussi marquées. Comment, avec le système actuel, un élève des cités pourrait il avoir les mêmes chances qu'un jeune des beaux quartiers ? Tous les moyens sont bon pour créer des filières réservées à ceux que l'on a catalogué comme bons élèves  laissant par conséquent les autres tenter de s'extirper de voies de garage. On connait la recette: beaucoup de support de la part des parents pour "pousser" les élèves, choix de l'Allemand en première langue, option latin… si l'enfant est assez docile et malléable, il sera automatiquement dirigé vers une "bonne" classe, première étape vers un bon lycée et une grande école. Où est la justice pour un enfant issu d'une famille éclatée dont la mère se débat pour assurer la survie de la famille ? Comment peut-il s'en sortir si en plus il évolue dans milieu peu éduqué ou maitrisant mal la langue française ?

Le processus d'écrémage se base sur un gavage de connaissances, il faut apprendre bien plus que comprendre. L'enfant devrait découvrir, s'émerveiller, avancer petit à petit vers de nouvelles compréhensions et mettre en relation ses connaissances afin d'en faire émerger de nouvelles. Au lieu de cela on lui fait ingurgiter du savoir tout fait, il acquière des automatismes (combien de fois avons-nous entendu cela étant enfant ?) et n'est plus en situation de réfléchir. Le processus infernal continue tout au long des études et ne fait que s'emballer pour arriver à son paroxysme en classes préparatoires aux grandes écoles. Cela fonctionne parfois, et de très brillants esprits sortent des écoles prestigieuses, mais à quel prix? Combien d'enfances gâchées?   Combien d'élèves illettrés arrivant sur le marché du travail? 

Le commentaire suivant est extrait du site:
http://www.education.gouv.fr/cid3014/indicateurs-de-resultats-des-lycees.html 
qui publie des "indicateurs"de résultats pour les lycées : "Le taux de succès d'un lycée dépend fortement des caractéristiques de ses élèves, indépendamment de la qualité de l'enseignement qui y est dispensé". Quel constat d'échec ! Le site en question relavant directement du ministère de l'éducation nationale, il faut donc voir là une acceptation pure et simple de la catastrophe, voire une complicité. L'hypocrisie est à son comble, quand on publie des statistiques de "performance" des lycées afin que les parents qui le peuvent puissent faire en sorte que leurs enfants soient inscrits dans les "meilleurs" établissements, contribuant ainsi  à encore renforcer la discrimination sociale et éducative.

Monsieur Langevin, Madame Montessori et tout ceux de l'Éducation Nouvelle doivent se retourner dans leur tombe...

2 commentaires:

  1. Eh beh!
    Et bien du coup je suis allée lire la page Wikipédia de ce Monsieur.
    Moi j'avais toujours cru que l'histoire des jumeaux, ça venait d'Einstein.

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  2. Il est clair que l'ecole Francaise a de gros gros problemes et qu'il y a du soucis a se faire pour les generations futures meme si je crois que la decadence de l'ecole se fait deja sentir dans la population actuelle.

    Le systeme Francais n'inculque pas le respect ni la tolerance aux eleves. L'ecole primaire, college et lycee n'apprennent pas a reflechir, elle gave seulement de connaissances. Ces connaissances ne valent rien si nous ne sommes pas capables de prendre du recul, faire de la mise en abyme. L'ecole ne fait que preparer a un diplome mais ne prepare pas le futur citoyen pensant.

    L'universite, une fois passe les deux premieres annees de licence est l'endroit ou l'on apprend enfin a reflechir, penser par soit meme. L'universite est l'endroit ou l'on peut discuter avec ses profs et echanger des points de vue pour finalement arriver a comprendre un concept.


    Je me souviens de mes cours de geologie en premiere annee de fac. Nous devions donner la couleur des cailloux. Alors que je voyais un caillou bleu, il fallait indiquer sur la copie qu'il est vert... Aucune discussion possible avec l'enseignant. Ce phenomene est malheureusement similaire au college et au lycee.

    Le systeme francais qui case les eleves en deux categories : elite / non elite se meurt. Tout les metiers ne rentrant pas dans la categorie "elite" sont mals vus pourtant un artisan competent gagne souvent bien sa vie.
    Le systeme francais est malade de vouloir envoyer a tout prix les eleves faire de longues etudes ou ils echoueront soit directement a la fac, soit sur le marche du travail (qu'ils ne trouveront pas).

    Le salut de ce systeme et du pays devrait etre trouve dans la revalorisation des formations courtes apres le BEPC, la revalorisation du niveau du bac et du BEPC ainsi que des competences de lecture et et calcul au primaire (au lieu du nivellement par le bas que j'ai pu observer).

    Le salut du pays devrait etre trouve en faisant en sorte que l'ecole apprenne a faire reflechir. De la reflexion en decoulerai naturellement respect et tolerance.

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