mercredi 3 février 2010

LHC (1)

Le LHC (Large Hadron Collider) est l'accélérateur de particules le plus puissant au monde, c'est l'exemple typique d'un très grand instrument qui pousse la technologie à ses limites pour les besoins de la recherche fondamentale. Et à ce niveau, quand on parle de fondamental, on a en tête des questions qui touchent à l'existence même des choses.

L'origine de la masse par exemple : il se trouve que la physique s'accommode fort bien de particules élémentaires sans masse et que quand on essaye d'expliquer pourquoi certaines d'entre elles sont massives, il faut faire intervenir des mécanismes complexes qui viennent briser la belle symétrie naturelle de la nature et qui prévoient l'existence d'une ou de plusieurs autres particules qui doivent se manifester aux énergies atteintes par le LHC. Il s'agit du ou des fameux boson(s) de Higgs, dont certains ont peut-être entendu parler.

Un autre exemple est l'asymétrie entre la matière et l'anti-matière : Lors du Big Bang, quand les premières particules sont apparues, tout laisse penser que la belle symétrie du monde (encore elle !) faisait qu'il y avait autant de matière que d'anti-matière. Les particules de matière s'annihilaient immédiatement en rencontrant leurs anti-particules et en produisant du rayonnement qui était lui-même réabsorbé par la matière très dense et très chaude qui prévalait à l'époque. Sans une très légère asymétrie dans les processus d'annihilation, l'Univers n'aurait pas évolué vers ce que nous connaissons, puisque, autant qu'on puisse en juger, il semble bien que nous vivions dans un monde de matière ! Nul n'a jamais observé de galaxies d'anti-matière ni d'anti-étoiles. Là encore, le LHC est à même, si ce n'est d'élucider totalement le problème, de mettre en évidence des processus physiques qui se comportent différemment pour la matière et l'anti-matière et qui expliqueraient donc l'asymétrie observée.

Dernier exemple, la matière noire et l'énergie noire qui contribuent à environ 96% de la densité d'énergie de l'Univers et dont on ne connait pas la nature. En d'autres termes, la matière ordinaire qui nous entoure ne représente que 5% de l'Univers et personne ne sait de quoi est fait le reste. Des arguments solides tendent à indiquer que les expériences installées sur le LHC pourraient mettre en évidence des particules et des processus permettant de comprendre ce "léger" problème.

On pourrait citer plusieurs autres questions fondamentales que le LHC et ses expériences vont peut-être contribuer à résoudre. On peut à juste titre, se demander comment les physiciens peuvent avoir l'aplomb de prétendre savoir à l'avance ce qu'une machine qui explore un territoire inconnu va découvrir ? La réponse tient au fait que d'une part il faut que la physique soit cohérente, c'est-à-dire que quelques règles de base soient vérifiées, comme la conservation de l'énergie ou le fait qu'une probabilité ne puisse être plus grande que 1. D'autre part, la mécanique quantique qui décrit le monde des particules, fait que des phénomènes qui se passent normalement à très hautes énergies peuvent laisser quelques indices à plus basse énergie. Ces deux éléments permettent de dire qu'à coup presque sûr le LHC va mettre en évidence des phénomènes nouveaux. Si rien ne se manifeste, il faudra alors reprendre tout un pan de la physique pour comprendre ce qui ne va pas. Une sorte de "gros bug" dans le système en quelque sorte.

Le LHC a été imaginé il y a 30 ans, il s'est peu à peu concrétisé et les expériences ont été conçues il y a une quinzaine d'années. Au moment où on a imaginé les caractéristiques des appareillages, la technologie ne permettait pas de les construire, il a donc fallut se lancer dans de complexes programmes de recherches et développements pour finalement arriver à des objets réalisables et optimisés afin de fournir les meilleures performances à un coût maitrisé.

Après des débuts difficiles en 2008 sur lesquels je reviendrai dans une autre note, le LHC a fournit ses premières collisions à la fin de l'année 2009. Il va maintenant monter en énergie et en intensité pour fonctionner deux ans durant, ensuite un arrêt d'une année sera nécessaire pour remédier à certains problèmes. Ce ne sera qu'en 2013 qu'il développera toutes ses capacités. La physique des particules est un long chemin, certains ont travaillé 15 ans sur ces appareillages et sont partis en retraite avant même d'en recevoir les fruits. 2010 et 2011 vont être des années formidables d'exploration de terres inconnues, espérons que la Nature sera généreuse et qu'elle nous réservera quelques surprises.

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